Texte de Jean Caplanne (cf bas de la page) reçu par mail (4 avril 2006), libre de publication.

ALLONS ENFANTS DE LA PATRIE 

Le CPE est un enfant légitime de la mondialisation ultra-libérale appliquée avec zèle par nos gouvernants. En effet, l'OMC, le FMI et l'AGCS veulent rapidement tout libéraliser, pour mieux exploiter les pays pauvres et mettre à genoux les peuples développés, en les privant progressivement des droits du travail, de la protection sociale et des services publics, insupportables survivances de l'Etat providence qui freinent le profit financier. Ca peut marcher, sauf si le peuple de France se lève, pour donner l'envie d'une autre mondialisation. N'est-ce pas son rôle historique ? 

Le CPE devait arriver. En 2006 ou 2007. Il est bien dans la logique de régression sociale organisée par la plupart des gouvernements ultra-libéraux et, hélas, sociaux-démocrates des pays développés pour "s'adapter" à la mondialisation.

Parfois, recherche, innovation et créativité retardent un peu l'hémorragie des emplois, des salaires et des délocalisations. Mais la plupart des Nations développées bradent leur recherche et s'en remettent au privé. Qui ne travaille que pour l'argent immédiat (voir les OGM), sauf cas particuliers pour certaines multinationales qui voient loin… 

C'est donc bien la mondialisation qui induit en France le CPE, la "réforme" des retraites, de la santé et autres dispositions régressives que l'on nomme improprement "réformes", par volonté dialectique délibérée pour séduire et tromper le peuple. La "fatalité" des délocalisations et le chômage induits par "une main-d'œuvre trop chère" ne permettraient pas de maintenir le niveau des revenus et du social… hélas. On connaît bien tous ces refrains. On compatirait presque.

UN RENARD LIBRE DANS UN POULAILLER LIBRE

 

Finalement, les choses sont assez simples à comprendre: le CPE est un enfant légitime de la mondialisation. Tout comme la "vraie-fausse Constitution Européenne", prônant une concurrence libre …et particulièrement faussée, et la très actuelle directive Bolkestein.

Après une première "mondialisation heureuse", celle de l'esclavagisme et de la colonisation, la deuxième mondialisation s'est organisée méthodiquement depuis les années 1990, suite à l'effondrement des systèmes oppresseurs "dits socialistes", tigres de papier mais épouvantails du capitalisme financier qui prenait ses précautions …sociales.

Avec la complicité active des régimes autoritaires des pays pauvres et l'aide des meilleurs théoriciens de l'ultra-libéralisme (Milton Friedman, Friedrich von Hayek, Pascal Salin en France…), le système financier international a vu une opportunité fantastique de faire des fortunes en utilisant à bon marché la main d'œuvre de ces pauvres pays. On y installe alors des usines et ateliers pour fabriquer à très bas prix et dans des conditions effroyables pour l'adulte et l'enfant, ce qui a été conçu dans les pays riches.

Reste à faire consommer cette production dans les pays pouvant l'acheter. Il faut donc "libéraliser" les échanges, "rendre sa liberté au commerce", "combattre le protectionnisme", affublé soudain de tous les maux. Que de subtilités dialectiques, pour séduire les peuples qui le peuvent de bien voter …ou de s'abstenir, si possible. 

Les principaux Clubs ultra-libéraux (Davos, Trilatérale, Cercle de Bilderberg pour les plus connus) qui donnent les ordres à leurs affidés qui gouvernent, ont alors imaginé l'OMC, le

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FMI et l'AGCS pour libéraliser le commerce mondial par une concurrence ultra-faussée, basée sur les différentiels salariaux, sociaux et fiscaux entre pays du monde. On fabrique chez les pauvres en délocalisant et on vend chez les riches sans droits de douane, OMC oblige. De plus et grâce au FMI, on tiendra en respect les pays fragiles ou en voie de réel développement, en imposant des cures d'austérité à leur population et en privatisant leurs services publics. Libéralisons, privatisons, pour que les mieux placés et autres privilégiés s'enrichissent …avant de faire la charité, nommée solidarité, au reste de la population qui sera donc soumise et obligée. C'est la politique du renard libre dans un poulailler libre. Appliquée, si besoin, avec l'aide de quelques dictateurs, régimes autoritaires aux ordres ou autres élections truquées.

CHOMAGE STRUCTUREL SOIGNEUSEMENT ENTRETENU

 

Reste le "problème" des pays développés et démocratiques. Comment les soumettre ? Comment réduire les salaires, la protection sociale, privatiser les services publics pour faire un maximum de profits financiers …sans tout délocaliser ? Tout de même…

Dans un premier temps, il faudra limiter les ambitions salariales et sociales grâce à un chômage structurel soigneusement entretenu par les indications du NAIRU (voir sur moteurs de recherche Internet - critère de niveau de chômage minimum pour empêcher l'inflation et les revendications sociales). Pour la France et malgré les "efforts ininterrompus et méritoires" de tous nos gouvernants, selon la formule consacrée, le critère de chômage minimum est fixé autour de 10 %. Japon 3 %, USA 6 %, Italie 11 %, Belgique 12 %, Espagne 19 % (estimations NAIRU, selon la structure du pays, par l'OCDE, 1997). Il existe donc une relation de cause à effet (courbe de Phillips) entre le niveau du chômage …et l'évolution des salaires et de l'inflation ! Si l'on veut augmenter les profits financiers, éviter leur érosion par l'inflation et l'augmentation des revenus des ménages, il faut donc un chômage minimum de pesanteur,  révélé par le NAIRU.  La BCE applique consciencieusement tous ces critères.

Arrêtons donc de croire que le plein emploi est l'objectif de nos gouvernants et décideurs ! 

Dans un deuxième temps, on estime que le niveau des salaires et de la protection sociale ne seront plus tenables pour les pays riches, avec cette "diable de fatalité" (sourire entendu) qu'est la mondialisation. Il faut donc "s'adapter, être raisonnables" et accepter des conditions d'emploi et de salaires compatibles avec la "compétitivité" des entreprises qui, ne l'oublions pas, doivent fournir un rendement de 9 à 15 % à leurs actionnaires et autres fonds de pension (ce qui n'empêche pas la faillite de ces derniers par manipulation) ! Sinon, il faudra "dégraisser", restructurer… voire délocaliser, c'est à dire déménager à l'étranger s'il le faut, comme tout bon royaliste de 1793. L'amour de la patrie a quand même ses limites ! 

Le "gâteau" de la protection sociale n'étant pas extensible dit-on, pour cause de cotisations basées sur la masse salariale qui stagne (ou régresse avec chômage et exonérations) et non sur la production nette qui croît (elle doublera entre 1999 et 2037), "il faut bien accepter, à regret", une réduction du niveau des retraites et des remboursements de santé et autres. Et si l'on n'est pas content, le privé est là pour compléter, en payant …si l'on peut. Les Restaurants du Cœur ont de beaux jours devant eux…

CET INSUPPORTABLE DROIT DU TRAVAIL

 

Quant aux salariés, s'ils veulent un emploi, il faut bien "qu'ils s'adaptent mieux aux besoins véritables et variables des entreprises" et qu'ils acceptent salaires et conditions de travail compatibles avec "les nécessités de la concurrence" …de la mondialisation. "On n'y peut rien,

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la mondialisation est une fatalité"… Sinon, "faut bien délocaliser, pour tenir"… Tenir quoi ?

Et l'on voit alors se développer le travail illégal ou "pseudo-légal" des sociétés croupion, les petits boulots, le temps partiel, la flexibilité de la caissière qui revient trois fois par jour à son poste du supermarché, les salariés précaires sans espoir de progression, les CDD à répétition, l'intérim …l'amertume, la résignation, parfois le désespoir. Voire la colère destructrice.

Autant institutionnaliser mieux la précarité pour libérer les entreprises des salariés quand elles le souhaitent. Et la peur du renvoi immédiat pour le travailleur, ça le calmera… C'est donc le CNE et le CPE en France. Leurs équivalents se préparent en Allemagne et en Suède. 

Nos gouvernants essaient donc d'appliquer, sinon à la lettre, du moins dans l'esprit, les ordres de travail des dirigeants mondiaux ultra-libéraux qui ont organisé la mondialisation et créé les outils redoutablement efficaces contre les peuples que sont l'OMC, le FMI et l'AGCS.

Le CPE n'est donc pas un incident de parcours ou une maladresse de notre Premier Ministre. Il a d'ailleurs repris de manière très opportuniste une idée de l'ultra-libéral Monsieur Sarkozy qui aurait dû être appliquée dans la foulée des présidentielles de 2007, en cas de succès. 

CPE et CNE sont donc des outils bien pensés et réfléchis pour faire baisser le coût du travail, organiser une précarité synonyme de peur et de soumission du salarié, et créer une brèche décisive dans cet édifice insupportable pour les ultra-libéraux qu'est de Droit du Travail, édifié par un siècle de luttes sociales. Ces mesures sont également encouragées par la coordination des politiques Européennes élaborées par les 25 états lors des sommets et impulsées par la Commission qui "prend ses ordres" auprès de l'Européan Round Table, club très influent des dirigeants des multinationales, actuellement animé par Monsieur Ernest-Antoine Seillières, président de l'UNICE (patronat européen).

METTRE LES PEUPLES DEVELOPPES A GENOUX

 

Il se confirme donc qu'après une période de réserve et de préparation, les organisateurs de la mondialisation libérale décident d'attaquer de front les revenus, protections sociales et services publics des pays développés. Le caractère déloyal et complètement faussé de la "concurrence libre" organisée par l'OMC et l'AGCS devrait parvenir à mettre les peuples développés à genoux, puisque les différentiels salariaux, sociaux et fiscaux deviendront vite intenables pour les entreprises et salariés de ces pays. Ils devront accepter, de gré ou de force, une précarisation du travail et une concurrence sociale qui les rendra dociles et jetables. Le CPE en est un bel exemple, tout comme la directive Bolkestein pour le dumping social interne à l'Europe.

Au nom de la compétitivité et de la croissance au bénéfice des privilégiés, la population devra accepter les intolérables inégalités croissantes que connaissent actuellement les Etats Unis, la Grande-Bretagne et les anciens pays du bloc de l'Est. Inégalités, privilèges et paupérisation des peuples qui provoquent l'explosion de la délinquance, de la prostitution et des trafics en tous genres, qui "rend nécessaire" la fameuse politique du tout sécuritaire, avec milices privées à profusion et incarcérations record en % de la population, tant souhaitée par certains politiques français de droite et d'extrême droite. 

La France, berceau des droits de l'homme, ne peut tolérer les conséquences de cette mondialisation destructrice pour son peuple. Elle ne peut tolérer ces signes d'un destin régressif que sont le CNE et de CPE. Elle ne peut accepter qu'un Parlement non représentatif du peuple, du fait d'un système électoral inique qui donne 60 % des sièges à 18 % des

suffrages exprimés, alors que 16 % de ces suffrages n'ont aucun représentant, même s'il s'agit du Front National, vote des lois de retour au servage, en début du 21ème siècle.

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Le CPE constitue la mesure qui fait déborder le vase de la patience démocratique. Le sens profond de cette Loi a bien été compris par les étudiants et salariés qui refusent ce néo-esclavagisme de la condition humaine, pour les plus fragiles de notre société: les salariés du privé et les jeunes sortant des études sans qualification ou sans expérience. Merci aux manifestants et à leurs organisations représentatives pour leur lucidité.

REVENIR AUX FONDAMENTAUX DE LA REPUBLIQUE

 

Maintenant, il faut aller plus loin. Les décideurs de la mondialisation sont déterminés, patients. L'ensemble du peuple doit se lever, calmement,  solennellement, pour exiger l'abrogation du CPE et du CNE, exiger une politique progressiste et humaniste pour le peuple français. Plus largement, refuser les conséquences d'une mondialisation organisée par des néo-esclavagistes et néo-colonialistes, se prétendant modernistes, qui devraient être incarcérés comme délinquants de haut vol, au lieu d'être reçus avec tous les égards dans les palais, par leurs obligés politiques. Exiger un retour aux fondamentaux de notre République sociale, c'est à dire Liberté, Egalité et Fraternité, devise offerte d'ailleurs à tous les peuples de la planète, avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen. 

"Allons, enfants de la Patrie", manifestons pour que la France redevienne la France !

Que notre jeunesse demeure plus que jamais déterminée et humaniste: l'avenir vient de loin. La grande Révolution Française, les combats pour la liberté et les conquêtes sociales du 20ème siècle ont su démontrer que la paix et la liberté sont conditionnées par le progrès social, l'égalité et la fraternité. A son tour et malgré les difficultés, la jeunesse doit préparer l'avenir pour améliorer encore la condition humaine, seule raison de vivre. Jamais les possibilités de la science et de l'économie n'ont été aussi grandes et prometteuses pour que tous les hommes soient heureux et dignes sur cette planète à préserver. 

A l'heure de cette mondialisation destructrice, la deuxième en quelques siècles, le peuple de France a rendez-vous avec l'histoire. Une fois de plus. Bien que méprisé par tous les médias ultra-libéraux du monde, comme au 29 mai 2005 et sans évoquer 1789, 1848 ou 1936, il sera observé attentivement par les autres peuples d'Europe et du Monde, avec des éclairs d'espoir dans le regard. L'espoir d'une troisième mondialisation, humaniste, où une économie sociale de marché régulée par les états démocratiques sera enfin au service de l'homme, de la coopération et de la paix. A l'exact opposé de la mondialisation actuelle. 
 
 

Signification des sigles utilisés: 

- AGCS: Accord Général sur le Commerce et les Services

- BCE: Banque Centrale Européenne

- CDD: Contrat à Durée Déterminée

- CNE: Contrat Nouvelle Embauche

- CPE: Contrat Première Embauche

- FMI: Fonds Monétaire International

- NAIRU: Non-Accélérating Inflation Rate of Unemployment

                (taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation)

- OCDE: Organisation de Coopération et de Développement Economique

- OGM: Organisme Génétiquement Modifié

- OMC: Organisation Mondiale du Commerce

- UNICE : Union des Industries de la Communauté Européenne

                                                                                                               Jean Caplanne (Landes),

Conseiller d'Entreprise et

                                                                                                              de Développement Rural

                                                                                                                 jancap@free.fr

                                                                                                                          2 Avril 2006